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L’acheteur de mon entreprise a déposé une plainte ! Dois-je dire adieu à mon argent ?

Reprise d'entreprise
Vérification diligente
Concepts clés

L’affaire est conclue. Votre entreprise a été vendue. La suite n’est pas un long fleuve tranquille, mais une plainte déposée par l’acheteur. Que faire maintenant ?

Nele Neyrinck : « La tranquillité d’esprit dans le chef du vendeur après la conclusion de la transaction et, encore plus important, la sérénité de l’acheteur durant tout le processus qui précède la vente, constitue un facteur qu’il convient de ne pas sous-estimer dans la réussite des négociations de reprise et dans la qualité du résultat. Si un acheteur estime que les risques de l’acquisition sont élevés, il se montrera moins disposé à payer un prix élevé. De plus, il voudra probablement se couvrir en incorporant des clauses à rallonge dans le contrat de reprise, le tout éventuellement complété par une sérieuse garantie bancaire. Par la suite, s’il se sent lésé, il tentera de tenir le vendeur pour responsable, et nous sommes partis pour de coûteuses procédures juridiques. »

Mieux vaut prévenir que guérir ?

« Il est clair que le vendeur a tout intérêt à identifier au mieux les risques pour l’acheteur et, dans la mesure du possible, à les limiter. Il est donc crucial de pouvoir disposer d’informations correctes et en temps utile. Personne n’a intérêt à découvrir des cadavres dans le placard : que ce soit au cours du processus d’acquisition ou après la reprise. En outre, pour le vendeur il est utile de savoir comment l’acheteur compte se couvrir contre d’éventuelles mauvaises surprises a posteriori. Le fait de se couvrir ne doit pas être considéré forcément comme un signe de méfiance, mais plutôt comme le signe d’un esprit d’entreprise prudent de la part de l’acheteur. Par ailleurs, il est tout aussi vrai que le vendeur ne souhaite pas accepter d’éventuels abus. »

Comment un acheteur peut-il se couvrir a priori ?

« Pour se prémunir contre d’éventuels cadavres dans le placard, l’acheteur dispose d’un certain nombre de leviers. Après la première phase du processus de vente – celle qui concerne l’échange d’informations, une offre est lancée et un accord de principe est conclu – l’acquéreur fera effectuer une due diligence, autrement dit la « vérification diligente » ou « diligence raisonnable ». Cette enquête dépasse le stade d’un simple audit financier et porte sur l’ensemble de l’entreprise, y compris par exemple la production et les ventes. Une diligence raisonnable bien menée renforcera la confiance dans l’entreprise et dans le vendeur. »

Secundo, il existe une forme de protection juridique sous forme de déclarations et de garanties dans le contrat de reprise. Leur contenu est déterminé en partie par des constatations réalisées au cours de la due diligence, par exemple en ce qui concerne les créances douteuses, les latences fiscales, etc. Les négociations concernant ce contrat s’avèrent souvent longues et éreintantes. Un sentiment de confort à propos de la qualité de l’entreprise, de sa gestion et des informations fournies contribue à convaincre l’acheteur que les risques sont limités. »

« Ensuite, il y a la protection financière. L’acheteur doit avoir la certitude que l’éventuel préjudice subi sera compensé, sur le plan financier, au cas où un cadavre sortirait de manière inopinée du placard. Cette protection se concrétise, par exemple, par un compte escrow, ou compte bloqué auquel l’acheteur peut faire appel, ou encore par une garantie bancaire. »

« Enfin, il y a la structure de la reprise en soi. Parmi les classiques, il y a le earn-out, où une partie du prix de la reprise est étalée sur un nombre d’années déterminé et dépend du succès de l’entreprise. Il existe d’autres techniques, par exemple : conserver le vendeur comme coactionnaire ou impliquer un certain nombre de personnes clés dans le capital de l’entreprise. »

Que se passe-t-il si l’acheteur subit malgré tout des dommages et introduit une réclamation ?

« Pour la plupart des transactions, voici, étape par étape, la voie à suivre :

  • Une expression latine souvent utilisée est fraus omnia corrumpit. En clair, si, à l’origine de la perte, il y a fraude avérée, il n’existe aucune limite à la réclamation de l’acheteur.
  • Si le dommage (et donc la réclamation) fait l’objet d’une indemnisation spécifique, il n’y a pas de limites (sauf disposition contraire). Une indemnisation spécifique dans un contrat de vente et d’achat spécifie un risque particulier pour lequel il est prévu que le dommage qui en découle sera toujours indemnisé par le vendeur.
  • Étape suivante : peut-on établir une violation à propos de la déclaration et des garanties ? Les déclarations contiennent des informations sur l’entreprise qui sont certifiées par le vendeur comme étant correctes. Une garantie est l’assurance détaillée du vendeur que les déclarations sont véridiques. Si l’acheteur constate une violation, il devra vérifier si elle a été constatée et communiquée au vendeur en temps utile.
  • Quels sont les seuils prévus dans la convention d’achat et de vente ? Si le dommage ne peut pas être récupéré auprès d’un tiers (client, fournisseur, assureur, etc.), l’acheteur se tournera finalement vers le vendeur.
  • S’il s’avère qu’il n’y a pas de violation en matière des déclarations et des garanties, l’acheteur établira une réclamation contre le vendeur et il faudra voir si une remédiation est possible. Le vendeur a alors la possibilité d’accepter ou de contester la réclamation. Cela peut conduire à des négociations (ardues), voire à une procédure devant le tribunal. »